Connaissez-vous le « Desi-Fishing » ?

Cet article est rédigé en mon propre nom (@itsmaaz_mir), IAMDESI n’est pas responsable des propos tenus dans ce dernier. J’exprime ainsi mon avis à travers IAMDESI en mettant en exergue ma perspective personnelle. Il est donc à noter que mes opinions ne reflètent pas nécessairement les opinions de l’ensemble du magazine.

“Calqué sur le mot anglais «catfishing» (activité trompeuse par laquelle une personne créée un personnage fictif ou une fausse identité sur un réseau social), l’arab-fishing désigne le fait de laisser penser ou de faire croire que l’on a des origines arabes alors que ce n’est pas le cas.”

Ces dernières années, une tendance similaire s’est développée autour de l’identité Desi, autrement dit, sud-asiatique. Probablement dans l’objectif d’assouvir une sorte de soif de reconnaissance, nous pouvons voir fleurir sur Instagram des comptes multiples, d’hommes et de femmes, prétendant plus ou moins explicitement avoir des origines sud-asiatiques. En effet, certains n’hésitent pas à affirmer leurs origines ethniques réelles en « biographie Instagram ». Cependant, selon certains cela n’est en rien un passe-droit pour tomber dans l’appropriation culturelle. Pour rappel, l’appropriation culturelle est le fait d’utiliser des éléments matériels ou immatériels d’une culture par les membres d’une autre culture. Cela se produit lorsque des éléments culturels, tels que la musique, la mode, la nourriture, les symboles, les pratiques religieuses, ou d’autres aspects culturels, sont empruntés, utilisés ou adoptés par des personnes en dehors de la culture d’origine, souvent de manière simpliste, hors contexte ou sans une compréhension profonde de leur signification culturelle.

L’appropriation culturelle peut être controversée, car elle peut être perçue comme une forme d’irrespect envers la culture d’origine, en particulier lorsque les éléments culturels sont utilisés de manière stéréotypée, caricaturale, ou commercialement exploités sans reconnaissance ou respect pour leur origine.

Quelle est la problématique ?

Absorbés de clichés multiples, ces comptes affichent des « réels » avec des danses, des tenues traditionnelles et d’autres références culturelles, ethniques voire religieuses (évocation de fêtes religieuses). Après tout, vous n’êtes pas sans savoir que certains de ces fameux pas de danses apparus dans les “réels” et “tiktoks” ont une signification religieuse et ne peuvent ainsi être pratiqués sans porter aucune offense à ses croyants.

Tout cela peut initialement sembler en aucun cas une offense envers la communauté, en fin de compte ils la mettent en valeur et la diffusent au grand public me diriez-vous. Je ne saurais être de cet avis là.

Il existe un monde entre présenter une culture avec une page dédiée (exemple : culture Bollywoodienne, apprentissage d’une langue) et entre faire de l’appropriation culturelle. Il y a dans cette pratique comme une sorte de récupération des avantages tirés au nom de cette communauté pour gagner en visibilité, tout en évitant les discriminations que subissent ces mêmes groupes.

A mon sens, une identité ethnique n’est pas et ne pourrait être un fonds de commerce, elle ne peut ainsi être exploitée à des fins commerciales. S’approprier les caractéristiques d’une culture dans l’objectif d’en faire un outil marketing est profondément problématique. Bien sûr, il est tout à fait possible de s’intéresser à une culture autre que la sienne, une telle ouverture est même remarquablement honorable. Il s’agirait ici d’une appréciation envers la culture et une propagation de cette dernière en ce sens. Le problème réside dans le fait d’en faire un outil commercial et/ou de fonder son image entière sur cette identité ethnique et/ou culturelle qui n’est pas la sienne tout en la réduisant à un seul de ses aspect, souvent très stéréotypé.

Se pose également la question de l’essentialisation. L’essentialisme désigne le fait de réduire un individu ou une communauté à une seule de ses dimensions. Si l’on suit la logique de ces derniers, alors toute la culture sud-asiatique se résumerait à des tenues folkloriques et à la culture Bollywoodienne.

L’impact d’une telle pratique

Dans un contexte où la communauté sud-asiatique est confrontée à une vague de haine et de racisme sans précédent, ce fléau semble plus que jamais desservir la cause de cette communauté. Ces mêmes personnes là n’ont manifesté aucun soutien au mouvement crée récemment dans le but de lutter contre le racisme banalisé envers la communauté sud-asiatique.

A titre personnel, étant desi, depuis mon plus jeune âge, je lutte pour m’extraire des clichés qui me collent à la peau. L’humour déplacé, les références incessantes à « la famille indienne », les ignares qui rejoignent leurs mains pour m’expliquer ma culture. Ce fléau ne cesse ainsi d’encourager et nourrir leurs croyances qui estiment que ma culture n’est qu’un vulgaire stéréotype.

Pourquoi est-ce différent lorsque ces contenus sont générés par des personnes sud-asiatiques ? Puisque par définition, il ne s’agit que d’une dimension parmi d’autres et qu’ils représentent consciemment et inconsciemment d’autres aspects de cette culture qui leur est propre et qu’ils connaissent au-delà des superficialités.

Alors avant de propager, encore une fois, ce fantasme exotique que certains véhiculent à travers leurs publications plus clichées les unes que les autres, il serait plus judicieux de penser à ceux qui luttent sans cesse pour briser cette stigmatisation.