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Traite indienne post-coloniale : Un récit oublié

Inde

Cet article se trouve n’être qu’une pierre à l’édifice que nous nous efforçons de construire. 

L’engagement qui a été pris est celui de nous réoctroyer ce droit de regard sur notre communauté. Ceci en permettant à nos membres de se ressaisir de la géopolitique. Pour se faire de nombreux articles viseront à déconstruire les stéréotypes occidentaux sur les pays sud-asiatiques et leurs habitants. L’objectif est de remettre en question ces préjugés.

Le concept du « sauveur » et son rôle dans les relations entre les pays occidentaux et le tiers-monde

Dans les enseignements scolaires, les documentaires ou encore dans la conscience collective, nous entendons très peu parler des réalités qui furent celles de l’Inde. Et ce, notamment lorsque les thèmes liés à la colonisation ou à l ‘esclavage sont évoqués (ou devrait-on dire dissimulés ?). 

Le fait est, que l’Inde est toujours appréhendée au regard de sa pauvreté, de sa surpopulation, de ses problèmes d’accès à la santé ou encore par rapport à sa cuisine. Ceci est parfaitement démontré sur la carte qui répertorie les mots les plus utilisés concernant un pays sur Wikipédia. En réalité, tous ces éléments sont généralement perçus comme des données immuables, sans être remises en question en raison de l’idée répandue selon laquelle l’Occident vient au secours des pays du tiers-monde.

Pourtant, ce syndrome du sauveur mérite d’être questionné. Quand le sauveur n’aura plus personne à sauver, que lui restera-t-il ? Qu’en sera-t-il de son pouvoir ? Au fond, si un sauveur doit exister et disposer de tous ces privilèges, il a besoin de personnes à sauver. Donc quel est le réel besoin? Avoir des personnes soumises à sa sécurité ou alors réellement pallier l’impuissance dans ce monde.  

En somme, ce sont les motifs qui différencient le sauveur de l’ensevelisseur. 

L‘impact persistant de l’esclavage sur la société indienne 

Nous nous appuierons sur les écrits de Robert Bousquet. Ce dernier a effectué des recherches minutieuses sur les rapports entre les esclaves et leurs maîtres dans les pays de capture. Ceci nous permettra d’élaborer notre étude sur la traite indienne. 

L’esclavage en Inde est pratiqué depuis la Civilisation des Indus, par les Aryens, alors parmi les premiers colonisateurs. Dès cette époque, datée de 1800 av J.C., les Aryens utilisaient le terme “Dâsa” pour identifier le peuple noir, vaincu par le blanc dominant. À partir de ce moment jusqu’à nos jours, le terme signifie « esclave ». Il est important de comprendre que le peuple noir entendu est la population non-aryenne peuplant l’Inde.

C’est là que la ségrégation raciale s’est enracinée. Au sein de ce peuple, les femmes, les “Dasis”, étaient les esclaves des vainqueurs. Ces dernières étaient contraintes de « n’être prise que pour le plaisir ». Tandis que les hommes sont appréhendés comme des cadeaux ou encore des dons, au même titre que du bétail. Ils n’ont aucun droit et ils sont forcés à l’expropriation de leurs propres biens. À tel point que dans la société védique, à l’exception du bétail, les “Dâsas” et les “Dasis” formaient la propriété privée en représentant le capital économique.

Vers le milieu du VIe siècle avant notre ère, l’institution de l’esclavage se développe. Elle s’établit avec le développement de la technique puis l’expansion de l’agriculture. Désormais, la richesse se mesure avec la possession des terres. Dans ce système, les individus pauvres, car privés de terres sont soit contraints de vendre leur force de travail soit réduits en esclavage. Parmi les “Dâsas“, nous en rencontrons quatre types :

  1. Ceux qui sont nés d’une esclave,
  2. ceux qui ont été achetés,
  3. les étrangers
  4. et ceux qui servent volontairement pour se nourrir. 
Archive de photos anciennes / The Diplomate

Ici, la nuance à saisir est que l’esclavage en Inde était initialement fondé sur des critères raciaux. Aujourd’hui, il ne dépend plus uniquement des facteurs ethniques et culturels. Il peut également prendre sa source dans des facteurs économiques qui ne sont pas sans représenter le système occidental. Ainsi, l’esclavage indien à la particularité d’avoir constitué dans le temps une classe de travailleurs, les « travailleurs asservis » en réduisant à cette soumission les sujets endettés. Cette force de travail se reproduisait elle-même. Ce fut l’avènement de la production agricole basée sur l’exploitation d’une main-d’œuvre servile.

Lorsque l’Inde a été colonisée par les Européens, de nombreux esclaves leur ont été envoyés ou bien, ils étaient capturés. Les ports étaient des lieux propices à la traite d’esclaves. En 1668, malgré la volonté d’abolir cette pratique, la forte demande en esclaves a empêché son abolition. Dans ce contexte, la pauvreté et la famine étaient des réalités bénéfiques à la domination occidentale. Effectivement, les esclaves n’étaient pas utilisés pour un but productif, mais « constituaient une marque d’honneur social pour le maître ».

Néanmoins, la traite indienne dépassa ses propres frontières lorsque les esclaves indiens furent déportés vers les îles en raison de leur réputation de docilité. Un témoignage mentionne que :

« Les Indiens n’ont point la force de ceux de Madagascar, mais ils ont l’humeur bonasse et ne sont points sanguins comme ceux de Madagascar » 

Les séquelles profondes des modes d’oppression 

Par conséquent, en réalité, la communauté indienne est beaucoup plus mixte et hétérogène que l’on pourrait penser. À tel point que le racisme, le colorisme, le système de castes, factuellement présents semblent dénués de sens sans convoquer une lecture postcoloniale. Dès lors, les Indiens qui performent ces modes d’oppression sont donc endoctrinés à penser comme des blancs. Ils sont pour la plupart ignorants de leur propre histoire. Une histoire dont les protagonistes eux-mêmes semblent privés. 

Toutes ces années d’esclavage vécues ont laissé des séquelles au niveau psychologique et au niveau physique. Pour en rendre compte, penchons-nous sur le thème de la beauté.

Encore dans nos sociétés, ceux qui se rapprochent le plus sur le plan physique des standards de beauté caucasien sont davantage considérés. Tandis que sur le plan psychologique, à force d’endoctrinement, par défaut de représentation et par la répétition que nous ne sommes pas beaux, qui sont les rares à n’y avoir jamais cru ? Cela est le témoin d’un processus de décolonisation inachevé et donc toujours en cours dans ce contexte d’aliénation au sens de Frantz Fanon.

Une ‘memsahib : femme européenne, souvent l’épouse d’un homme britannique’ dans une chaise à porteurs basique en 1895 / Express

Ainsi, n’ayons pas peur de considérer le racisme sous un prisme postcolonial. Cela nous permettra de révéler comment cette domination est enchevêtrée dans une complexité psychologique et sociale. Donc, non, nous ne nous plaignons pas pour rien. Ce projet est nécessaire. Osons faire entendre nos voix, nos cultures ainsi que nos identités. Il s’agit là de rendre fier les nôtres. 

Ensemble, on peut changer notre propre histoire, car pour déconstruire, il faut d’abord détruire. 

La modernité de l’esclavage

Factuellement, même après l’abolition de l’esclavage à l’échelle internationale au XIXe siècle avec l’article 4 de la déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen qui dispose que : « Nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude ; l’esclavage et la traite des esclaves sont interdits sous toutes leurs formes“, le travail forcé, et même le travail servile continuent à être utilisés, et ce dans de nombreux pays.

De fait, une étude réalisée en 2017 par l’Organisation internationale du Travail (OIT) et la Walk Free Foundation en partenariat avec l’Organisation internationale pour les Migrations (OIM) témoigne de la persistance massive de l’esclavage moderne dans le monde. Par esclavage moderne, nous entendons ses multiples forces. Citons le trafic humain, l’enrôlement dans des groupes armés, le commerce international de stupéfiants, la prostitution forcée, le travail forcé et asservi, entre autres. Afin de comprendre l’ampleur de ce phénomène du point de vue durkheimien, l’étude révèle qu’il touche plus de 40 millions de personnes dans le monde. Ces chiffres démontrent une surreprésentation des femmes et des enfants.

Effectivement, dans cette totalité de 40 millions, 29 millions sont des filles ou des femmes. De plus, l’esclavage des enfants de 5 à 14 ans est répandu, atteignant 25 % en Afrique subsaharienne, 12 % en Asie du Sud et en Europe. Enfin au sein des États indépendants du Commonwealth le pourcentage est estimé à 5 %. 

Donc cessons de fermer les yeux et levons-nous contre cette tyrannie.

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