Ça ne date pas d’aujourd’hui : en Inde, de nombreux films ont été le sujet de grandes controverses !
Que ce soit parce qu’ils traitent de personnages historiques perçus comme intouchables. Ou bien parce qu’ils remettent un peu trop en question les politiques actuelles, certains films doivent faire face à des appels au boycott très violents et aux vagues de mauvais commentaires de la part des internautes les plus extrémistes. Bien qu’il n’y ait jamais eu d’impact réel sur les recettes de ces longs-métrages, on ne peut oublier certaines polémiques qui sont restées dans les annales.
Voici donc un top 5 des films hindis qui ont fait polémique :
1. UDTA PENJAB
Il faut savoir qu’aucun film indien ne peut être diffusé sur le territoire sans avoir au préalable été validé par le CBFC. Le Censor Board of Film Certification est un organisme (de censure) qui fixe la durée finale d’un film et lui donne une certification en fonction de son contenu. Et s’il y a bien un film qui a connu d’innombrables contestations avant de sortir dans les salles obscures, c’est bien Udta Punjab.
Le drame choc réalisé par Abhishek Chaubey dépeint les ravages du trafic de drogue et de l’addiction dans l’État du Punjab. Le film est d’une qualité sans conteste mais avant même sa sortie, il a affronté les foudres du CBFC.
En effet, l’organisme a demandé à ce qu’ Udta Punjab subisse pas moins de 89 coupures de scènes jugées “trop inappropriées”, dans son montage final. Aussi, après la diffusion de la bande-annonce, les dirigeants du Penjab demandaient à ce que les salles ne projettent pas le long métrage car il “portait atteinte à l’image de l’état”. (A noter qu’à cette époque les élections régionales approchaient à grand pas.) Mais pourquoi une telle polémique ? Et bien parce que le film est cru et considérablement réaliste dans ses dialogues et dans les scènes qui représentent les effets de la drogue sur la jeunesse indienne. Il dénonce également la complaisance des autorités à l’égard du trafic de drogue qui gangrène le Punjab.
Cependant après une très forte mobilisation de la part du casting, du réalisateur, des producteurs et assez étonnement d’une partie conséquente de l’opinion publique, la Haute Cours de Justice statue en faveur du film. La sortie au cinéma est autorisée et une seule coupure au montage sur les 89 demandées par le CFBC est effectuée.
Par ailleurs, lors de sa sortie, Udta Punjab a signé le 5e meilleur démarrage de l’année 2016!
2. PADMAAVAT
Les films de Sanjay Leela Bhansali ont souvent fait polémique en Inde. Mais il y en a un qui a fait couler beaucoup (trop) d’encre et a déchaîné les foules : c’est le film Padmaavat.
Basé sur un poème épique de Malik Muhammad Jayasi et contant l’histoire de la princesse rajpoute Padmavati, ce film a connu bien des épreuves avant sa sortie. Dès l’annonce du tournage, la communauté rajpout, avec en particulier l’organisation Shri Rajput Karni Sena, proteste en affirmant que le film donnera une mauvaise représentation de la reine. La communauté musulmane s’empare aussi de la polémique. Différents dirigeants musulmans dénoncent le personnage d’Alauddin Khilji. Il porterait atteinte à la communauté vu sa représentation en roi tyrannique et barbare.
Les plateaux de tournage du Fort de Jaighar à Jaipur sont vandalisés, les décors et les costumes détruits et brûlés. Le réalisateur Bhansali se fait agressé sur son propre tournage et l’actrice principale, Deepika Padukone reçoit des menaces de mort.
Le tournage et la sortie du film sont retardés de nombreuses fois à cause d’inombrables manifestations partout dans le pays. Padmaavat fait ainsi face à une pétition visant à interdire sa diffusion en salle. En effet, la Cours suprême reçoit une requête menée par plusieurs groupes nationalistes rajpoutes.
Dans l’Haryana, le Karnataka ou encore le Rajasthan, les routes sont bloquées et la colère gronde. D’ailleurs les premières affiches du film qui montre Deepika Padukone dans le rôle titre sont brulées partout en Inde.
Finalement, le long-métrage sort au cinéma le 25 janvier 2018 dans un chaos ambiant. Il est diffusé dans seulement 70% des salles indiennes. Les critiques sont mitigées mais il réussit à récolter 545 millions de crores au box-office indien. Ce qui représente 66 millions de dollars de recettes au total.
Le film rafle aussi de nombreuses récompenses lors des FilmFare Award dont celui de la meilleure direction musicale et de la meilleure chorégraphie pour la chanson “Ghoomar”.
3. FAANA
Cette fois-ci, c’est la super-star Aamir Khan qui a dû faire face aux foudres de l’opinion publique (et des politiques). Son film Fanaa, sorti en 2006, a tout simplement été banni dans l’État du Gujarat. Pas à cause du contenu du film mais parce que lors de son passage dans l’État pour la promotion de Fanaa, Aamir Khan a fait une déclaration qui n’a pas plu aux politiques gujaraties.
En effet, l’acteur a critiqué les dirigeants pour leur mauvaise gestion du barrage de Narmada. Un barrage qui avait débordé après de pluies violentes à l’époque. Il avait aussi soutenu le Narmada Bachao Andolan, une organisation non gouvernementale qui avait lutté contre la construction du barrage et qui, à présent, aidait les populations touchées par la catastrophe.
Narendra Modi qui était alors ministre de l’État ainsi que les membres de son parti, le BJP ont profité de la polémique pour mener une campagne de boycott contre Aamir Khan. Ils ont encouragé les salles de cinéma à ne pas diffuser Fanaa tant que l’acteur ne présenterait pas d’excuses. De grandes protestations ont eu lieu contre Aamir Khan et son film.
Mais comme souvent cette vague de polémique n’a pas impacté les recettes du film. En effet, en plus d’être le grand retour de l’actrice Kajol sur grand écran après 5 ans d’absence, le film est devenu le cinquième film hindi le plus rentable de l’année 2006 avec 1,03 milliards de crores au box-office pour un budget de 300 millions de crores.
4. ROCKSTAR
Sorti en 2011 et réalisé par Imtiaz Ali, Rockstar est un drame romantique narrant la vie de Janardhan Jakhar, un musicien qui passera de la gloire à la déchéance. Vous commencez à le comprendre, si ce film a fait polémique c’est pour des raisons politiques. Mais ici, c’est seulement une seule scène qui a été soumise au Comité de censure indien.
Lors du clip de la chanson “Sadda Haq”, tourné au monastère de Norbulingka à Dharamsala, on peut apercevoir dans le fond des figurants brandissant le drapeau révolutionnaire du Tibet (représentant la lutte des tibétains contre la domination chinoise); mais aussi une bannière affichant “Free Tibet”. Le lieu de tournage n’est pas non plus sans signification. Ce monastère est utilisé comme base de rassemblement au gouvernement tibétain en exil.
Le CBFC a estimé que le drapeau pouvait “envoyer un message politique trop fort” . Il a ainsi demandé à ce que le drapeau et la bannière soient floutés.
Mais le réalisateur a immédiatement refusé la demande. De plus, plusieurs associations d’immigrés tibétains ont organisé des manifestations. Ils ont regretté que les autorités indiennes veuillent invisibiliser leur cause. Ils dénonçaient également un manque de liberté d’expression dans le paysage cinématographique indien.
Finalement, seule la bannière a été floutée.
5. PAANCH
Et on termine avec un film d’un des réalisateurs les plus disruptifs de Bollywood : Paanch d’Anurag Kashyap.
Saviez-vous que le tout premier métrage du cinéaste avait été complètement interdit de diffusion sur tout le territoire indien ? En effet, Paanch était la première réalisation d’Anurag Kashyap. Après avoir écrit et coécrit de nombreux films dans les années 90, il décide de lancer sa carrière de réalisateur avec Paanch , début 2000.
L’histoire du film s’inspire des meurtres en série du tueur Joshi Abhyankar, des années 1976 à 1977. Après le tournage, le film passe par le CBFC. Mais problème, de nombreuses modifications du métrage sont réclamées. Le film a un budget limité et la post-production ne cesse de s’allonger. Ainsi, Paanch n’a donc jamais obtenu de certification du CBFC et n’est donc jamais sorti au cinéma en Inde.
Mais pourquoi avoir demandé des modifications ? Selon l’autorité de censure, le film avait un contenu très violent. Il ferait également la promotion à outrance de la drogue et du sexe. Et toujours selon le CBFC, les dialogues seraient trop grossiers et l’histoire n’aurait rien de “divertissante”. C’est seulement en 2003, que le film est autorisé. Cependant le projet est laissé dans les greniers d’Anurag Kashyap et de la maison de production, Films Padmini. Plus tard, Paanch a quand même eu droit à des projections dans différents festivals de cinéma entre 2003 et 2006. Aujourd’hui, il est quand même disponible sur Internet. Vous pouvez le retrouver en intégralité sur YouTube ou sur la plateforme de streaming Mubi.
À présent, vous savez à quel point certains films indiens peuvent se retrouver dans la tourmente à cause du CBFC ou de l’opinion publique. Aujourd’hui encore de nombreux films s’attirent les foudres des mouvements de boycott. Ce phénomène s’est intensifié depuis la mort de l’acteur Sushant Singh Rajput.
Parmi les dernières polémiques, on peut citer Laal Singh Chaddha; l’adaptation indienne 2022 de film culte Forrest Gump. Le film d’Advait Chandan a reçu de nombreux appels au boycott sur les réseaux sociaux de la part de groupes supremacistes hindous.
Rédactrice cinéma, culture et mode.