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NÉPOTISME : “JE VEUX FAIRE LE MÊME MÉTIER QUE MES PARENTS ”

Et si on abordait à nouveau le sujet du népotisme dans l’industrie du cinéma ?  Cet article n’a pas pour but de critiquer qui que ce soit mais d’essayer de comprendre pourquoi ces “enfants de” dérange tant.

Depuis l’année dernière, une prise de conscience s’est faite à Hollywood sur les personnalités bénéficiant du népotisme. L’industrie a été secouée par la publication d’une enquête dans le New-York Magazine. Si à Bollywood le népotisme prospère depuis des décennies, à Hollywood, ils viennent tout juste d’ouvrir la boîte de pandore. Alors, avant de rentrer dans le vif du sujet, qu’est-ce que le népotisme ? 

Définition du Népotisme

D’après l’historien Serge Bernstein, le népotisme est une forme de favoritisme qui tire ses origines dans le milieu religieux. Aux XVIe siècle, de nombreux papes accordaient à leurs neveux des positions très prestigieuses qui rapportaient de l’argent. Le népotisme a ainsi pour but de distribuer des avantages aux personnes de son entourage au détriment de personnes étrangères ou plus qualifiées. Cette pratique est courante dans différents secteurs, pas seulement dans le milieu religieux, mais aussi dans le milieu politique, commercial, de la mode, et surtout dans l’industrie du cinéma.

Le népotisme à Hollywood : #NEPOBABIES

Il y a quelques mois, je suis tombée sur un réels où des internautes devaient deviner les parents de plusieurs célébrités américaines. Ce à quoi j’ai répondu en commentaireIt’s so funny to see how people are shocked to see all this “nepobabies” in Hollywood, just now. Go to Bollywood, this is something that’s been going on since the beginning of time. ( C’est tellement drôle de voir à quel point les gens sont choqués de découvrir tous ces “nepobabies” à Hollywood, seulement maintenant. À Bollywood, c’est quelque chose qui dure depuis la nuit des temps.)

Depuis l’an dernier, le terme “nepobabies” circule de plus en plus et devient tendance sur les réseaux sociaux. Un sujet qui prend de l’ampleur avec plus de 47 millions de publications sous le hashtag “nepotism babies”. La source de ce buzz est un article du magazine “Glamour UK” qui affirme que plus de la moitié des jeunes talents à Hollywood sont des “nepotism babies”.

Le 19 décembre 2022, le magazine “New York Magazine” publie une enquête sur les relations de pouvoir dans l’industrie cinématographique américaine. Les résultats de l’étude ont montré que les “nepobabies” ont plus facilement accès à certaines ressources et à des contacts en raison de leur cercle social préexistant dans le milieu. Cette réalité leur donne plus d’opportunités que les autres acteurs qui n’ont aucun contact dans l’industrie. De plus, ces personnalités “enfants de” ne sont pas soumis à des contraintes financières et sont souvent exposées aux médias dès leur plus jeune âge. Le magazine va même jusqu’à qualifier le népotisme de “vaste conspiration”.

© New York Magazine

Pourtant, le népotisme à Hollywood n’est pas une pratique qui est apparue récemment. Hollywood a toujours été un milieu fermé, dominé par une certaine élite. Ainsi, il n’est pas choquant de voir de plus en plus “d’enfants de” percer dans ce milieu. Cependant aujourd’hui, avec les médias et les réseaux sociaux, le népotisme est plus visible et il est plus facile d’apporter un certain jugement sur ces personnalités qui ont eu “la vie facile”. En début d’année, l’actrice et mannequin Lily-Rose Depp, en a pris pour son grade pour avoir osé dire que le terme “nepo-babies” n’a aucune signification car :

“Rien ne vous donnera un rôle sauf le fait que vous soyez bon pour ce rôle.



Lilly-Rose Depp.

Lily-Rose Depp est la fille de l’acteur Johnny Depp et de la chanteuse et actrice Vanessa Paradis. Elle est l’égérie de la marque Chanel grâce à sa mère qui est ambassadrice de la marque depuis 1991. Dans son tout premier film, son père Johnny Depp était aussi présent au casting. Une façon de donner un coup de pouce à la carrière de sa fille. Alors, aurait-elle eu les mêmes opportunités si elle n’était pas “fille de” ?

Népotisme à Bollywood : Une affaire de famille

Contrairement à Hollywood, le népotisme est clairement visible, accepté et ancré depuis des décennies à Bollywood. Le cinéma hindi a été bâtie par des clans comme les Kapoor, les Chopra, les Mukherjee-Samarth ou encore les Bhatt. Les principales sociétés de production sont également dirigées par ces familles, ce qui rend très difficile pour les “outsiders” de percer dans l’industrie. Les médias ont aussi leur rôle à jouer car ils encouragent et attendent avec impatience les enfants de leurs stars adorées sur grand écran.

Prenons pour exemple la dynastie la plus connue du cinéma hindi, les Kapoor, véritable pilier du cinéma hindi. De 1920 à aujourd’hui, c’est-à-dire de Prithviraj Kapoor à Ranbir Kapoor, cela fait 4 générations qui exercent dans ce milieu. La famille d’Anil Kapoor est également liée à ces derniers, puisque le père de l’acteur fut le cousin de Prithviraj Kapoor. Voilà une industrie qui est une véritable toile d’araignée.

Bien que le népotisme ait prospéré jusqu’à présent, les choses ont commencé à changer en 2017. Lors de son apparition dans l’émission “Koffee with Karan”, l’actrice Kangana Ranaut titille le réalisateur Karan Johar en le désignant comme “le porte-drapeau du népotisme”. Sur les réseaux sociaux, cette “punchline”a suscité tout un débat autour des privilégiés de cette industrie.

Puis en 2020, suite au décès de l’acteur Sushant Singh Rajput, le débat sur le népotisme est monté en crescendo. L’acteur qui souffrait de dépression et de trouble bipolaire se serait suicidé. Les médias et le public indiens accusent l’industrie du cinéma d’avoir saboté la carrière de l’acteur et de l’avoir poussé à la dépression. Une enquête est ouverte contre plusieurs cinéastes et producteurs, dont Karan Johar, Mahesh Bhatt et Ekta Kapoor. À partir de là, c’est un véritable raz de marée qui s’abat sur Bollywood. De nombreux acteurs et musiciens considérés comme des “outsiders” ont pris la parole pour dénoncer les pratiques douteuses de cette industrie. Le décès tragique de Sushant Singh Rajput a profondément secoué l’industrie cinématographique. Aujourd’hui, les “enfants de” ne bénéficient plus du même accueil chaleureux qu’auparavant. Bien que le népotisme soit encore présent, il y a une certaine lassitude à voir les mêmes noms circuler. Nous arrivons à une époque où les stars de notre enfance laissent la place à leur progéniture et ce n’est pas au goût de tout le monde.

La nouvelle génération : Le cas de Suhana Khan

Parlons de Suhana Khan, fille de la plus grande star au monde et qui plus est un “outsider”, Shah Rukh Khan. Un sacré bagage pour la jeune fille. En 2018, avant même qu’elle puisse prouver ses talents d’actrice, elle fait la une du magazine Vogue. Une cover qui a créé une véritable polémique en Inde et un déferlement de haine envers la jeune fille. Avril 2023, Suhana Khan est nommée ambassadrice de la marque Maybelline India. Cependant, cette annonce a également été accueillie par des commentaires haineux à l’égard de la jeune fille.

Son tout premier film intitulé “The Archies” est réalisé par Zoya AKhtar, elle-même fille du très célèbre scénariste et parolier Javed Akhtar. Le film met en vedette Agastya Nanda (petit-fils d’Amitabh Bachchan) et Khushi Kapoor (fille de Sridevi). Mais contrairement à ces derniers, c’est Suhana Khan qui s’attire les foudres du public. Alors comment expliquer cette différence de traitement ? Se pourrait-il que la couleur de peau en soit la cause ? Car rappelez vous, en 2018, lorsque Janhvi Kapoor a fait la une du magazine Vogue, un mois avant la sortie de son premier film, elle fut accueillie à bras ouverts.
Une différence de traitement qui est flagrante.

© Instagram. Suhana Khan répond aux commentaires racistes.

Comme son père, Suhana Khan veut devenir actrice. Cependant, souhaite-t-elle exercer ce métier par passion ou simplement suivre les traces de son père ? Le public sera-t-il au rendez-vous pour cette nouvelle venue dans l’industrie du cinéma ?

Mérite ou pas : Le spectateur, seul et unique juge ?

Je vous invite à regarder le documentaire “The Romantics” qui rend hommage au cinéaste Yash Chopra et à son univers cinématographiques, piliers des films romantiques à Bollywood. Ce qui rend ce documentaire encore plus intéressant, c’est qu’il traite du sujet du népotisme. La plupart des acteurs interrogés ont en effet un lien familial avec un membre de cette industrie.

Dans le documentaire, le cinéaste et producteur Aditya Chopra fait une rare apparition publique et donne son avis sur ce sujet. Tout en prenant exemple sur le cas de son frère Uday Chopra, Aditya Chopra explique que le public est l’unique juge des stars qui vont durer.

Même en étant le fils d’un directeur comme Yash Chopra et en ayant toutes les opportunités à sa portée, mon frère n’a pas su gagner le cœur des spectateurs.




Aditya Chopra.

Selon ce dernier, l’industrie ne peut pas déterminer qui deviendra une star ou non. Seuls les spectateurs choisissent qui ils veulent voir à l’écran. Ce qui n’est pas faux. Bien que la plupart des “nepobabies” aient toutes les opportunités à leur disposition, cela ne signifie pas nécessairement qu’ils sont talentueux. Le népotisme leur permet-il de survivre dans cette industrie ? Pas toujours.

Prenons le cas d’Abhishek Bachchan, fils de l’un des plus grands acteurs de l’histoire du cinéma hindi, Amitabh Bachchan. Il est peut-être le fils d’une légende vivante, cependant cela ne l’a pas aidé à perdurer dans cette industrie. Au cours d’une interview, accordé à “The RanveerShowClip”, l’acteur explique qu’au départ les portes sont bel et bien ouvertes. Mais par la suite, c’est à vous de faire les bons choix pour survivre dans cette industrie.

Les pépites du Népotisme

Alia Bhatt dans l’un de ses récents films “Gangubai Khatiawadhi”.

Terminons sur une note positive : le népotisme a également des avantages. Prenons l’exemple de l’actrice Alia Bhatt, qui est la cible parfaite lorsqu’il faut aborder les “nepo babies”. Fille du producteur Mahesh Bhatt, elle débute sa carrière avec “Student of the Year”, un rôle assez oubliable. Par la suite, elle prend un virage avec “Highway” dImtiaz Ali. Une prise de risque bien calculée, car elle a bien compris qu’il fallait qu’elle s’impose très vite dans cette industrie. Ainsi, avec “Highway”, on la retrouve dans un rôle où on ne l’attend pas. Depuis, Alia Bhatt a prouvé qu’elle reste l’une des meilleures de sa génération. L’actrice n’a jamais nié le fait qu’elle était issue du népotisme et des privilèges qui vont avec.

Mais ce qui la distingue des autres, c’est la passion qu’elle voue à cette profession. Et bien qu’elle ait prouvé à maintes reprises ses talents d’actrice avec des films comme “Gangubai Kathiawadhi”, une certaine de “hate trend” autour d’Alia Bhatt persiste.

“La seule façon de mettre fin à la conversation c’est à travers mes films. […] Je ne peux pas continuer à me défendre verbalement. Si vous ne m’aimez pas, ne regardez pas mes films. J’espère qu’à travers mes films je prouverai que je mérite ma place dans ce milieu.

On ne choisit pas ses parents, ni le milieu d’où l’ont vient. Bien sûr que cela a été plus facile pour moi, mais je travaille tout aussi dur pour le travail que j’ai obtenu.”




Alia Bhatt pour Mid-Day

Les autres pépites de cette industrie incluent Hrithik Roshan, Rishi Kapoor, Rani Mukherji, Kajol ou encore Aamir Khan. À Hollywood, on peut citer des acteurs tels que Timothe Chalamet ou encore Angelina Jolie.

Alors qu’est ce qui dérange autant ?

© Facebook.com/Hrithik Roshan

Le fait d’être issu d’une famille influente n’est pas un problème en soi. Ce qui est problématique c’est lorsque ces personnes nient les privilèges et les opportunités qu’ils ont eu grâce à leurs entourages. De nos jours, le népotisme est très visible et mal perçu dans la société. Je prends un exemple récent celui de Suzanne Lindon, la fille des acteurs français Vincent Lindon et Sandrine Kiberlain. Son tout premier film a été présenté au Festival de Cannes. Une sacré ouverture quand on sait qu’elle n’a encore rien prouvé en tant que cinéaste.

Ainsi, ce type d’opportunité affecte le plus la carrière des outsiders, désignés comme ceux qui travaillent dur, qui attendent des années pour avoir un tel privilège.

Je termine cet article avec les paroles de l’acteur Sushant Singh Rajput qui résume mon avis sur ce sujet :

“Le népotisme peut exister paisiblement, si vous permettez à de nouveaux talents de l’extérieur de s’épanouir et de les encourager. Il n’y a pas de problème avec le népotisme mais si vous ne pouvez pas permettre aux autres d’entrer, c’est toute la structure de cette industrie qui va s’effondrer.”




Sushant Singh Rajput.

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