“NE BOYCOTTEZ PAS LA COUPE DU MONDE !”

« La Coupe du monde de la honte », « La Coupe du monde du malaise » ou encore « La Coupe du monde criminelle ». Appelez la comme vous voulez mais ne soyez pas hypocrites. Depuis que l’organisation de la Coupe du monde 2022 lui a été accordé, le Qatar est la cible parfaite pour les pseudos humanistes. Humaniste un jour, criminels les autres jours.

Ce n’est pas un coup de gueule, ni un pamphlet, ne voulant pas m’attirer les mêmes ennuis qu’Emile Zola, même si j’accuse. Cet article exposera bien évidemment le revers de cette Coupe du monde mais ne tâchera aucunement d’ignorer l’hypocrisie humaine. Pour faire court, je vais vous dire la vérité, rien que la vérité.

Commençons par le commencement : pourquoi le Qatar dérange ?

Les appels au boycott de cette coupe du monde ont commencé il y a à peine deux mois. Et pourtant cela fait presque 12 ans que l’on sait que le Qatar sera le pays hôte de la plus grande compétition sportive au monde. Alors, laissez moi vous dire, bonjour, bienvenus parmi nous. Cela ne vous a pas empêché de dormir pendant 12 ans, mais vous vous êtes réveillés deux mois avant, incroyable.

La première question qui se pose ici est bien évidemment celle des droits de l’Homme dans ce pays. Celle-ci est particulièrement liée au sujet des conditions de vie des immigrés dans l’émirat, étant donné que la main d’œuvre est formée de travailleurs migrants, 95% environ, principalement composée de sud asiatiques.

Ces travailleurs sont gouvernés par un système dit “KAFALA”, qui veut dire “parrainage”. Celui-ci lie les travailleurs migrants à leurs employeurs et crée une dépendance, tout en facilitant l’abus et l’exploitation de ces derniers.

« Je me souviens très bien de mon premier jour au Qatar, un agent de l’entreprise qui m’employait m’a tout de suite pris mon passeport, je ne l’ai jamais récupéré. »

Shamim, Jardinnier.

Les différentes enquêtes réalisées à ce sujet témoignent de conditions de vie affreuses que subissent les employés. Des camps de travail ou les travailleurs sont délaissés, vivant dans des dortoirs de 9m2, surpeuplés, sans eau sans électricité ni de climatisation, sous 50 degrés et pas de nourriture non plus. Ils sont bloqués car leurs passeports sont confisqués dès leur arrivé par leur employeur. Ils sont plantés dans des zones industrielles polluées et sous étroite surveillance, cernés de hauts murs, de grillages, de vigiles, de caméras, de mouchards.

Pour eux, le droit du travail n’est qu’une illusion et le travail forcé leur quotidien. Ceci peut être assimilé à de l’esclavage me diriez vous, Oui ça l’est.

“Je travaillais de 5h à minuit, je ne mangeais rien de la journée, je mangeais les restes, excusez moi si je pleure j’essaie d’oublier.”

Oui nous parlons bien des travailleurs migrants « employés » pour la Coupe du Monde 2022. Je le répète, l’événement sportif le plus suivi au monde a causé l’exploitation de centaines de milliers de personnes… en toute impunité. Paradoxalement, il a aussi permis de mettre les projecteurs sur leurs conditions de travail et de vie indignes. C’est grâce au rapport du Guardian que les consciences se sont éveillées.

Ce rapport a révélé un chiffre clé : 6500 morts dans les chantiers pour les constructions des stades de la coupe du monde.

Source : Amnesty International.

8 stades, 10 hôtels, 13000 chambres, ont été construits par des travailleurs sous une température qui dépasse 41° à l’ombre en plein mois d’octobre. En moyenne les ouvriers ont travaillé plus de 10h par jour, 6 jours sur 7 et ont été payé 1 euro de l’heure, pour ceux qui ont eu la chance d’être payé.
6500 ouvriers, venus d’Inde, du Bangladesh, du Pakistan, du Sri-Lanka et du Népal sont morts, pour un événement qui durera deux mois, amusera la galerie, et dont certains stades seront démolis peu après son achèvement.

« C’était l’après midi, le responsable du camp de logement de l’entreprise m’a téléphoné il m’a annoncé que mon mari était mort dans son sommeil pendant la nuit, il ne m’a pas donné plus d’informations, après personne ne m’a jamais contacté »

Bipana, épouse de Bahadur Gharti, mort sur les chantiers

Les corps sont mis dans des cercueils et renvoyés dans leur pays, les familles ne reçoivent ni explications ni compensations.

Face à tout cela, la réaction de nos politiques et leur mesure ultime c’est… attention…. LE BOYCOTT.

Analysons cela.

Le boycott : entre le ridicule et le paradoxe.

Je me répète encore, l’attribution de la Coupe du monde a eu lieu il y’a 12 ans. Aucune instance, ni politique ni sportive ni aucun joueur, ni même les médias, personne ne s’est prononcé auparavant. A moins de deux mois de son début, tout le monde s’est bizarrement découvert un caractère humanitaire et écologique ! Bravo, mieux vaut tard que jamais.

Vous me diriez, en 2010 il n’y avait pas encore les 6500 morts lors des constructions, on ne pouvait pas le savoir. Je vous répondrai par l’affirmative, tout en pesant mes mots. Car oui on ne savait pas cela mais en revanche on savait quels risques cette attribution encourait. On savait qu’à ce moment la 1,1 million de travailleurs étaient issus de l’immigration et qu’ils souffraient de ces conditions atroces.

On était assez intelligents pour déduire que face aux ambitions gigantesques du Qatar avec ses stades climatisés à ciel ouvert, la main d’oeuvre immigrée allait sûrement augmenter. On savait qu’on irait chercher cette main d’œuvre là au Pakistan et en Inde. Aujourd’hui, 12 ans plus tard, ils sont 2,2 millions de travailleurs. On avait tous les éléments, pour savoir que tout cela allait se dérouler de la manière dont il s’est réellement déroulé. Mais on n’a rien dit.

Prenons l’exemple du boycott à Paris, ce n’est pas n’importe quelle ville, c’est la ville du Paris-Saint-Germain, qui appartient à 100% au Qatar. Jusque là je ne vous apprends rien. Notre chère Anne Hidalgo, a annoncé récemment qu’il n’y aurait pas de diffusion des matchs sur grand écran ni de fanzone en guise de boycott. C’est bien elle qui se rend régulièrement voir les matchs du PSG non ? Réfléchissez à ce paradoxe d’abord avant de lire la suite.

Infographie représentant la nationalité des personnes décédées, réalisée par l’institut de statistique Statista.

Business is business

Aujourd’hui, tout le monde est choqué face à ces témoignages. Ces mêmes personnes là, qui ne se prononcent aucunement quand il est question de la Chine, portant en son sein des camps de concentration, ayant pour projet d’éradiquer tout un peuple, ou bien la Birmanie, où le Congo et j’en passe. Ils ne se prononcent aucunement quand il est question d’aller regarder les matchs du PSG. Aller chercher de l’argent, du gaz et du pétrole dans ces pays là, de les recevoir et de leur réserver le meilleur des accueils. Ou même de tolérer le racisme et la discrimination envers ces mêmes communautés qu’ils prétendent défendre aujourd’hui.

Ces mêmes personnes là qui sont parfaitement satisfaites de voir le Qatar propriétaire du PSG, ou propriétaire de deux des plus grands palaces parisiens. Le Qatar qui contribue fortement à l’image de la ville de Paris à l’étranger. Ceux qui se réjouissent du métro de Doha qui a été fait par un consortium SNCF-RATP.

Au delà de cela, le gaz qatari, ça nous va  très bien en période de disette avec le gaz russe. Les 25 milliards d’euros du Qatar en France qui créent des milliers d’emplois ça nous va très bien. Mais attention, la Coupe du monde bizarrement pose un problème politique.  

François Hollande a déclaré récemment qu’il boycottait l’événement, tout en précisant que s’il était chef de l’Etat, il ne se rendrait pas au Qatar. Il n’avait bizarrement pas cette position là lorsqu’il était président. Puisque sous sa présidence la France a débuté un projet de coopération avec les forces de l’ordre du Qatar. Une coopération qui a conduit à ce que 220 experts français soient envoyés au Qatar pour gérer la sécurité et la répression policière durant ce Mondial.

Sous Emmanuel Macron, la situation n’est pas bien meilleure entre les partenariats de TotalEnergies, les armes à vendre et autres. Les banques françaises sont également des partenaires fidèles à cette pétromonarchie. A titre d’exemple, le Crédit Agricole, finance des pipelines de GNL, Qatar Airlines, et d’autres entreprises.

Emmanuel Macron et Tamim Ben Hamad Al Thani / Le monde.

L’hypocrisie des Occidentaux

Cet appel au boycott de la compétition relève de l’hypocrisie dès lors que le principe ne s’applique pas dans sa globalité. Si les pétromonarchies du golfe font pousser des tours gigantesques et complexes touristiques comme des champignons, ce n’est pas seulement parce que les Occidentaux achètent leur pétrole. C’est aussi parce que, délibérément ou pas, les Occidentaux sont sélectifs dans leurs combats idéologiques.

Inutile de vous rappeler que les immigrés ne font pas que les stades. Ils font les aéroports, les métros, les hôtels. Donc si le Qatar est un pays horrible, c’est pas la Coupe du monde qu’il faut boycotter c’est tout le pays. Leur acheter du gaz, leur vendre des armes et puis les accuser de ne pas respecter les droits de l’Homme ?

Petit rappel au passage

Attendez, ce n’est pas la première fois que le Mondial de football est organisé dans un pays où les droits de l’Homme sont bafoués. Où est-ce que la dernière Coupe du monde a eu lieu ? rappelez le moi ? En Russie si je ne me trompe pas. Ravie de vous apprendre ou peut être pas, qu’à ce moment là, la Russie avait déjà attaqué l’Ukraine, envahi la Crimée et commis ses méfaits en Syrie et en Tchétchénie. Cela n’a visiblement dérangé personne que Vladimir Poutine, le grand méchant loup, donne la Coupe du monde au capitaine de l’équipe de France.

Et qu’en est il alors des jeux Olympiques à Pékin ? Il fallait boycotter aussi non ? Devrais-je vous rappeler que la Chine n’est pas non plus une démocratie au sens de nos standards à nous ? 

Aujourd’hui, on demande aux joueurs de prendre des positions politiques et que les supporters prennent des actes politiques mais le gouvernement qui prend aucune mesure on en parle ?

Alors ne mettez pas d’écran géant ou de fanzone, cela aura beaucoup d’impact voyez-vous. 

Alors on boycotte ou pas ?

Cela vous a certainement permis de relever l’existence d’une immense hypocrisie quant aux différents discours. Des maires et des élus disent qu’ils boycottent parce qu’ils ne mettront pas un écran géant. Le constat est le même pour les autres sujets. Ces donneurs de leçons oublient que près de chez nous, des migrants meurent en essayant de se sauver. C’est notre quotidien, en France, depuis plusieurs années. Mais visiblement, c’est plus important de commenter la Coupe du monde au Qatar pour se faire mousser sur la question des droits humains.

Attention, je ne dis pas pour autant que ce qu’il se passe au Qatar est normal. Bien au contraire ! Mais la stigmatisation du Mondial au Qatar est facile. Il y a trop d’incohérences.

Alors oui, personnellement, et cela n’engage que moi, je dis non au boycott de cette Coupe du monde. Il est d’abord trop tard, au lieu de condamner les instances et de prendre de réels moyens efficaces pour remédier à ces problèmes, on se contente d’observer et de nous taire quand il est question de nos intérêts. Où sont nos droits de l’homme quand il s’agit de condamner ces atrocités face aux gouverneurs qui eux peuvent réellement agir ? Pourquoi condamner le spectateur aujourd’hui ? Pourquoi le prendre en otage et le faire culpabiliser ?

C’est dans nos salons qu’on nous demande de défendre nos idées, du génie !

Un peu d’espoir pour la fin

Ne soyons pas pessimistes, face à cette réponse malhonnête ou inefficace de boycott et analysons l’attitude d’Amnesty international. Cette dernière redonne un peu espoir en l’intelligence et la foi humaine. Ils ont décidé plutôt que de boycotter, de faire pression aux partenaires de la Coupe du monde pour créer un fond d’indemnisation, pour toutes les familles qui ont un proche qui est mort sur les chantiers au Qatar. Bien plus utile que cette posture de boycott, me semble t-il.

Pour agir : https://www.amnesty.fr/petitions/coupe-du-monde-qatar-2022-fff

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