Après avoir perdu la majorité parlementaire ainsi que plusieurs de ses soutiens, la chute d’Imran Khan semblait plus que jamais inévitable. Seul face à tous, il vient d’effectuer une remontada sans précédent.
Un coup de théâtre inattendu :
Au pouvoir depuis 2018, l’ancien champion de cricket a vu sa légitimité se dégrader au sein du Parlement pakistanais. De ce fait, l’Assemblée nationale pakistanaise a accepté, lundi 28 mars, le dépôt d’une motion de censure (voir la définition en bas de page). Cependant, cette mesure a connu un sort inattendu ce dimanche matin.
En effet, à l’ouverture de la séance, le vice-président de l’Assemblée, Qasim Suri, a créé la surprise. Il a annoncé qu’il refusait de soumettre cette motion au vote, la jugeant “contraire à la Constitution”. Celle-ci avait pourtant de bonnes chances d’aboutir au regard de l’opposition à laquelle fait face le Premier ministre.
Dans un discours à la télévision d’Etat, quelques minutes après avoir sauvé son pouvoir, Imran Khan a déclaré avoir demandé au président pakistanais de prononcer la dissolution des deux chambres du Parlement afin de permettre la tenue d’élections anticipées. Une demande à laquelle le président Arif Alvi a répondu par la positive, entraînant des législatives anticipées sous 90 jours.
“Je félicite mon peuple et remercie Dieu que le complot visant à me renverser, à renverser le pays, un gouvernement élit par plus de 20 crores de personnes ai échoué” a t-il déclaré.
Une chute qui semblait inévitable face aux nombreuses accusations
Son parti, le Pakistan Tehreek-e-Insaf (le Mouvement du Pakistan pour la justice), contrôle 156 sièges sur 342 au sein de cette Assemblée. Il a perdu sa majorité après la décision de plusieurs partis de quitter la coalition gouvernementale pour rejoindre l’opposition. Ses alliés mais aussi des dissidents au sein de son propre parti menaçaient de voter pour son renversement.
« Je n’ai pas été élu pour contrôler les prix des tomates et des pommes de terre, mais pour bâtir une nation ».
Imran Khan est accusé d’avoir mal géré l’économie de son pays. En effet, cette opposition mise fortement sur le mécontentement populaire suscité par une grande inflation que le gouvernement se montre incapable de gérer. A cet égard et face à ces accusations, Imran Khan a déclaré lors d’un meeting, qu’il n’a pas été élu pour « contrôler les prix des tomates et des pommes de terre, mais pour bâtir une nation ».
Dégradation des relations avec l’Occident
Imran Khan est également accusé d’avoir terni l’image du Pakistan à l’extérieur. Les opposants pointent du doigt son comportement jugé trop provocateur vis à vis des occidentaux.
« Absolutely not ! » c’est ainsi qu’il avait répondu aux émissaires de la CIA qui demandaient une partie du territoire pakistanais afin de mener leurs opérations contre le terrorisme en Afghanistan avant le retrait américain.
Plus récemment, la visite officielle de Khan à Moscou a suscité le courroux des pays occidentaux. En effet, ce dernier s’est rendu au Kremlin le jour même du déclenchement de la guerre en Ukraine. Cela a eu pour conséquence d’isoler le Pakistan sur la scène internationale, selon les observateurs.
“Même les dirigeants européens sont allés en Russie, mais on demande au Pakistan en particulier. Pourquoi y êtes-vous allé ?, comme si nous étions leurs serviteurs”
Un complot des Etats Unis
Face à cette montée du mécontentement et l’éclatement de l’opposition, Imran Khan qualifie ses ennemis de « vermines » et de « vendus ». Les accusant de comploter avec des puissances occidentales pour le déloger du pouvoir.
Il accuse plus précisément les Etats-Unis d’être à l’origine de cette procédure visant à l’évincer du pouvoir. En effet, selon les médias locaux, Khan aurait reçu un rapport de l’ambassadeur pakistanais à Washington. Ce dernier a enregistré un haut fonctionnaire américain lui disant que les relations entre les deux pays seraient meilleures si le Premier ministre quittait ses fonctions.
Il est à noter que si les tentatives de renversement d’Imran Khan aboutissent, il est probable que le nouveau gouvernement soit dirigé par Shahbaz Sharif, le frère de l’ancien Premier ministre Nawaz Sharif. Ce dernier a été évincé en 2017 pour blanchiment d’argent, et a par la suite été emprisonné. Ceci pourrait expliquer la volonté des Etats Unis de renverser Imran Khan afin de le remplacer par le frère de leur ultime allié.
- Motion de censure : Dans les régimes parlementaires, la motion de censure est le moyen dont dispose le Parlement pour montrer sa désapprobation de la politique du gouvernement et le contraindre à démissionner. Elle est déposée par le chef du principal parti d’opposition. Si elle est adoptée par une majorité de députés, un nouveau gouvernement doit être formé.