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Une semaine mouvementée pour le peuple tamoul

Source image : https://www.tamilguardian.com/content/kittu-park-gate-destroyed-suspected-arson-attack

Dernièrement, la communauté tamoule du Sri Lanka a vécu une période particulièrement intense entre espoirs, déceptions et malheurs. Voici le récit d’une semaine riche en événements.

Acceptation de la Résolution A/HRC/46/L.1/Rev.1

La 46ème session du Conseil des droits de l’homme a eu lieu entre le 22 février et le 23 mars 2021 au siège de l’Organisation des Nations Unis (ONU) à Genève. La pandémie mondiale qui frappe le globe a obligé les représentants de chaque état à participer à ce rendez-vous par visio-conférence. Parmi les résolutions qui ont dû être débattues, une était particulièrement attendue. Il s’agit du texte « Promouvoir la réconciliation, la responsabilité et les droits de l’homme au Sri Lanka » suite à la guerre civile qui a marqué le pays entre 1983 et 2009 lors duquel au moins 100’000 victimes, à grande majorité d’origine tamoule, ont été déplorés.

En effet, Mme Michelle Bachelet, Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, présentait aux états membres un rapport sur la situation actuelle au Sri Lanka. Notamment, le constat a été que le gouvernement sri-lankais « a fait obstruction aux enquêtes et aux procédures judiciaires dans des affaires emblématiques de droits de l’homme ». Cela signifie que le gouvernement n’a clairement pas cherché à rétablir la vérité sur les diverses atrocités que le peuple tamoul a pu subir ces dernières dizaines d’années. D’autant plus qu’en octobre 2015, une résolution similaire avait déjà été adopté par le Conseil et accepté par le gouvernement sri-lankais, alors présidé par Maithripala Sirisena. Il y a environ une année, l’état sri-lankais, de nouveau sous le régime de la famille Rajapakse qui est souvent citée comme étant responsable majeure du massacre des Tamouls, avait annoncé son retrait sur ces engagements. Suite à cela, le nouveau rapport démontrait que « les commissions gouvernementales successives n’ont pas réussi à établir la vérité de manière crédible et à garantir la responsabilité. ».

Au Conseil des droits de l’homme, seuls 47 états y sont élus et ont, par conséquent, le droit de votes. Au terme d’un mois de discussions et tentatives de persuasions de l’état sri-lankais, le Conseil a voté de suivre cette résolution par 22 voix en faveur, 11 votes en défaveur et 14 abstentions. Les états tels que le Pakistan et le Bangladesh ont soutenu le Sri Lanka en votant contre cette résolution alors que l’Inde ou le Népal se sont contentés de s’abstenir.

Source image : www.ohchr.org

Ce résultat implique donc à ce que le processus de responsabilités des atrocités ayant lieu au Sri Lanka soit développé. Également, les preuves de crimes de guerres doivent être récoltés au maximum et analysés afin ce que les dérives soient condamnées. De plus, cela implique à ce que les survivants et les victimes soient soutenus dans les procédures de justices.

Malgré cette nouvelle encourageante pour la communauté tamoule, cette dernière reste sur ses gardes. En effet, comme dans le passé, le Sri Lanka peut à tout moment ne pas respecter ses engagements. D’autant plus que les responsables étatiques qui étaient au pouvoir lors de la fin de la guerre le sont encore aujourd’hui. Également, les Tamouls redoutent que le gouvernement fasse tout pour nuire à cette résolution. Il aura pu être vu durant ce Conseil que le Sri Lanka bénéficie toujours du soutien de grandes nations tels que la Chine ou la Russie malgré les dérives qu’auraient pu se dérouler lors du conflit. Bien évidemment, il est espéré que cette résolution soit respectée et permette de pouvoir commencer à rendre justice aux centaines de milliers de victimes du génocide tamoul. L’objectif final du peuple tamoul étant que les responsables sri-lankais soient jugés et punis par un tribunal international pour ce génocide et, à terme, d’avoir une nation indépendante pour ne plus avoir à subir l’oppression ainsi que vivre en harmonie en promouvant sa culture.

Déportations de réfugiés tamouls en Allemagne

À la surprise générale, l’Allemagne a entrepris cette semaine de renvoyer une centaine de réfugiés tamouls au Sri Lanka. En effet, le pays avait voté en faveur de la résolution au Conseil des droits de l’homme mais moins d’une semaine après, elle a entrepris une décision autant catégorique.

Les autorités du pays ont utilisé plusieurs moyens afin de renvoyer ces réfugiés qui seraient non-conformes aux conditions d’immigration du pays. Par exemple, des raids massifs ont été déployés dans les domiciles de familles tamoules. De plus, certains réfugiés ont été victime de guet-apens. Ils ont été appelés à venir renouveler leur permis de séjour mais ont fini par être arrêtés. Par la même occasion, leurs téléphones portables et affaires personnels ont été confisqués afin qu’ils évitent de contacter le monde extérieur, ce qui démontre une certaine lâcheté de la part des autorités locales. Un élément préoccupant est que parmi ces réfugiés, il y a plusieurs anciens cadres membres des Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE). En conséquence, le risque est important qu’ils soient pris à parti par le gouvernement à leur retour sur le sol sri-lankais. D’autant plus que ces personnes seraient actuellement détenus dans des conditions préoccupantes. Un jeune père de famille qui n’a pas pu contacter sa femme et son bébé a pu témoigner que les autorités allemandes les traitaient comme des criminels et qu’ils seraient très mal nourris.

Malgré les diverses preuves de tortures infligés à des réfugiés expulsés de retour au Sri Lanka par les forces de sécurité du pays, l’Allemagne n’a pas bronché et reste sur ses positions. Par exemple, en 2017, la Suisse avait été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme pour avoir failli à son devoir en renvoyant une famille de réfugiés tamoule qui a été maltraitée par les autorités sri-lankaises, malgré la connaissance de ce risque.

Afin de tenter de dissuader les autorités allemandes à exécuter ces déportations, la communauté tamoule d’Allemagne s’est mobilisée en masse avec l’aide de locaux. Des manifestations ont eu lieu les 28 et 29 mars devant les centres de détentions où se trouvent les réfugiés tamouls ainsi que devant des sièges gouvernementaux. De plus, le 30 mars, le jour qui a été défini pour le renvoi de certains réfugiés, une centaine de personnes a manifesté à l’aéroport de Düsseldorf. Au dernier moment, 4 Tamouls ont été libérés mais 31 personnes ont malheureusement bien été renvoyés au Sri Lanka ce mardi.

Source photo : https://www.tamilguardian.com/content/protests-against-deportation-tamil-asylum-seekers-d-sseldorf-airport

Cet épisode amène donc de l’incompréhension du côté de la communauté tamoule. En effet, il parait insensé qu’un état ayant souhaité un éclaircissement de la situation au Sri Lanka lors du Conseil des droits de l’homme procède à des actes comme tels.

Le Kittu Park victime d’un incendie criminel

Au début de l’année 2021, le mémorial du massacre de Mullivaikkal, installé à l’Université de Jaffna avait été détruit par les autorités sri-lankaises. Cet événement avait permis à la diaspora tamoule de pouvoir démontrer à nouveau les abus que le peuple tamoul souffrait et faire connaître sa cause en grande pompe. Les plaies de cet événement malheureux ne sont pas encore complétement refermées qu’un nouvel incident a eu lieu ce dimanche soir.

Source image : https://www.tamilguardian.com/content/kittu-park-gate-destroyed-suspected-arson-attack

En effet, le bâtiment d’entrée du Kittu Park à Nallur (Jaffna) a été complétement détruit par un incendie criminel. Les riverains ayant aperçu cela ont très rapidement notifié cela aux services du feu. Il s’avère que ces derniers auraient eu passablement de retard et n’ont pu que constater les dégâts. Les aspects suspicieux de cette affaire amènent donc forcément à se poser des questions. Qui sont les auteurs de cet acte criminel ? Pourquoi les pompiers ont pris autant de temps à se rendre sur place ? Est-ce une énième tentative du gouvernement pour détruire le patrimoine tamoul ? Il est bien connu que ces dernières années, les autorités sri-lankaises soient responsables de la destruction de nombreux monuments et édifices à la gloire ou mémoire du peuple tamoul. D’autant plus que ce lieu soit fortement lié à la cause des Tamouls.

Tout d’abord, ce parc a été inauguré en 1994 pour la mémoire du colonel Kittu, haut responsable des Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE). Le colonel Kittu, Sathasivam Kirshnakumar, de son nom de naissance, était un proche ami de Velupillai Prabhakaran, le fondateur et leader des Tigres tamouls. Après l’épisode du juillet noir où des milliers de Tamouls avaient été tués par une vague de militants cingalais anti-tamoule, le colonel avait été nommé responsable LTTE pour la région de Jaffna. En 1986, il est victime d’une attaque surprise lors duquel il a perdu une jambe. Deux ans plus tard, il a été envoyé à Londres par V. Prabhakaran afin de soigner sa blessure. Pour retourner auprès des siens, en janvier 1993, le colonel Kittu a dû passer pas l’Asie du sud-est pour pouvoir rejoindre l’île de Ceylan en bateau. Au milieu du trajet, le navire transportant également des armes et munitions s’est fait repérer par la marine indienne. Suite à cela, le colonel Kittu s’est donné lui-même la mort.

Le Kittu Park a donc une grande importance dans le cœur des Tamouls car il rend hommage à un homme qui a défendu la cause de ce peuple jusqu’à son dernier souffle. Également, il était de coutume d’organiser plusieurs événements et réunions dans ce parc afin de rendre hommages aux personnes décédées en martyr. En outre, la politique de destruction de monuments rendant hommages aux victimes du conflit armé par le gouvernement sri-lankais est de plus en plus décriée. Ainsi, malgré la fin de la guerre civile, le génocide structurel que vit les Tamouls continue de battre son plein.

Sources :

L’ONUTamilguardianLetemps

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