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L’ordre d’expulsion du Pakistan aggrave la crise afghane

Des ressortissants afghans sont photographiés alors qu'ils retournent en Afghanistan, au point de passage frontalier de Torkham entre le Pakistan et l'Afghanistan, le 30 octobre 2023. Le Conseil norvégien pour les réfugiés / REUTERS

La décision du gouvernement pakistanais le mois dernier de renvoyer des Afghans en situation irrégulière dans leur pays d’origine aggrave la crise humanitaire que confronte ces derniers. Des dizaines de milliers ont déjà fui le Pakistan, où ils ont cherché refuge face à la guerre, à la famine et à la persécution pendant des décennies. Des familles entières sont déracinées et retournent en Afghanistan, sous le régime des talibans, sans nourriture, eau ni abri. L’arrivée imminente de milliers d’autres signifie que le sort de l’Afghanistan est sur le point de s’aggraver davantage.

Quel est ce plan de rapatriement ?

Le “Plan de rapatriement des étrangers illégaux” d’Islamabad a accordé seulement un mois, jusqu’au 1er novembre, aux migrants afghans pour partir. Plus de 200 000 ont déjà quitté le pays, et beaucoup plus pourraient suivre. On estime que le Pakistan compte environ 4,4 millions de migrants et de réfugiés afghans, dont plus d’un tiers sont en situation irrégulière, selon les autorités.

Pour rappel, les Afghans cherchent refuge au Pakistan depuis l’invasion soviétique de 1979. En 2021 seulement, environ 600 000 personnes ont quitté l’Afghanistan, lorsque les talibans sont revenus au pouvoir.

Le Pakistan affirme cibler uniquement les individus en situation irrégulière. Mais la situation n’est pas si simple. Les Afghans sont au Pakistan depuis des générations. Beaucoup des expulsés sont nés et ont grandi là-bas et n’ont aucun lien avec leur pays d’origine. Les retards dans les processus d’enregistrement font que les arrivants n’ont pas pu obtenir les documents appropriés. Il y a également des rapports faisant état de pressions sur des réfugiés enregistrés et d’autres munis de documents légaux. Human Rights Watch a signalé des cas de détentions, de passages à tabac et d’extorsion.

Le retour de centaines de milliers d’Afghans aggrave l’une des pires tragédies humanitaires au monde. L’économie de l’Afghanistan est désastreuse depuis le retour des talibans. Le chômage est endémique, et les restrictions draconiennes sur la vie des femmes entravent davantage ses perspectives. Les trois quarts de la population dépendent de l’aide humanitaire. Plus de 3 millions sont déplacés, et plusieurs puissants séismes le mois dernier ont tué au moins 1 000 personnes. Les camps établis pour accueillir les Afghans de retour sont mal équipés. Ainsi, certains craignent que l’expulsion les conduise directement à la mort.

Quelles sont les motivations d’une telle action ?

De l’autre côté, le Pakistan fait face à ses propres problèmes. Son économie est en déclin et sa politique est chaotique, après l’emprisonnement de l’ancien Premier ministre Imran Khan cette année. Le gouvernement intérimaire à Islamabad, fortement influencé par l’armée, estime que l’ordre est nécessaire pour la sécurité nationale. Cette année, des centaines de Pakistanais ont été tués dans des attaques terroristes. Les responsables attribuent ces attaques aux insurgés afghans et aux talibans. La frontière de 2 670 km est difficile à surveiller. Cependant, l’ordre punit de manière écrasante ceux qui cherchent refuge. Il constitue également sans aucun doute une tentative de faire porter le blâme aux Afghans pour la crise économique du pays avant les élections de l’année prochaine.

Qui est responsable ?

Islamabad devrait revenir sur son décret qui semble être chaotique et ne fait qu’aggraver la situation. Accélérer les procédures de régularisation pour la diaspora afghane semble être une approche plus sensée. Sa politique est non seulement cruelle, mais elle n’a guère de sens lorsque la sécurité du Pakistan est inextricablement liée à la stabilité en Afghanistan. Renvoyer de force des milliers de personnes dans un État fragile dirigé par les talibans est une catastrophe humanitaire en préparation. C’est une tragédie pour les Afghans déplacés et démunis. Cela a également des implications à long terme pour la sécurité dans la région. Ce ne sera dans l’intérêt ni du Pakistan ni de l’Occident.

L’Occident ne peut pas se soustraire à ses responsabilités et à sa culpabilité non plus. Ses aides promises auparavant pour les Afghans sont très minimes et ne sauraient être un soutien adéquation face à la gravité de la situation. À titre d’exemple, le Plan régional de réponse aux réfugiés dirigé par l’ONU ne dispose que d’une petite fraction des 600 millions de dollars nécessaires pour soutenir les Afghans dans les pays voisins.

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